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Guy Bélizaire, Rue des rêves brisés , L’interligne

Je me suis régalé pendant la saison des fêtes en lisant ce roman de Guy Bélizaire. L’histoire réveille en moi bien des souvenirs par son décor, le quartier Côte-des-Neiges, où j’ai vécu pendant mes quatre années d’études à l’Université de Montréal. Trente ans plus tard, les rues n’ont pas changé de nom. J’y retourne souvent, à l’occasion de toutes sortes de rendez-vous : conférences, réunions, soutenance de thèses, salon du livre de Montréal. Et, presque toujours, je loge dans le même hôtel, Terrasse Royale, sur le chemin de la Côte-des- Neiges, en face de Renaud Bray et juste à côté de la librairie Olivieri.


Le roman me ramène également chez moi par son contenu. Je ne peux pas me mettre dans la peau du héros, le jeune Christophe Célestin, mais son paternel me ressemble tellement qu’à maintes reprises, j’ai failli me fâcher contre l’auteur qui me donnait l’impression de raconter, ou plutôt de piller mon histoire personnelle sans m’avoir consulté. Le rêve obsédant du retour au bercail, la conviction dérisoire d’avoir une mission capitale à accomplir, une contribution décisive à la reconstruction de la patrie abîmée par des décennies (des siècles) de gabegie…


Je reconnais ces immigrants hyper-politisés à la faconde intarissable quand, dans des discussions passionnées, ils proposent des solutions miracle à tous les problèmes dont le pays d’origine est affligé. Car si l’immigrant haïtien est peut-être le paradigme de cet animal profondément nostalgique, il n’a pas le monopole du rêve éveillé et de l’utopie. Il n’est pas le seul à croire qu’il possède un plan génial, prêt à être appliqué pour mettre fin au chaos de la terre d’origine. Ses semblables sont légion, notamment parmi les autres « Afro-descendants ».


On ne tombe pas des nues quand la narration se rapproche de l’histoire immédiate en relatant des dérapages racistes semblables à ceux qui ont provoqué le mouvement Black Lives Matter. Ou encore, quand l’amour entre jeunes transgresse les frontières raciales et provoque chez les parents des réticences, révélant que les préjugés qui alimentent le racisme n’ont ni camp ni parti. Je ne sais pas si c’est propre aux romans d’immigrants, mais je constate que la lecture de celui-ci peut intéresser deux catégories distinctes de personnes : celles qui s’y retrouvent et celles qui s’y dépaysent. J’appartiens à la première catégorie.


Terminons par une énigme à résoudre pour celles et ceux qui connaissent bien le quartier Côte-des-Neiges : trouvez le nom de la rue du titre. Il y a peut-être un indice : devant l’immeuble abritant les familles de Christophe et Jimmy, il y a un rocher où les deux jeunes gens aiment s’adosser. Mais il se pourrait aussi que l’expression « Rue des rêves brisés » soit un clin d’œil à celles et ceux qui ont lu La Rue Cases-Nègres du Martiniquais Joseph Zobel.


Melchior Mbonimpa

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